Carnet de route
Semaine sainte à Jaca
Le 08/04/2023 par Poulou Bernadette
Un jour, le Grand Saint Bernard, dans son infinie mansuétude, se montra soucieux du salut de nos âmes. « Mécréants et mécréantes, pécheresses et pécheurs je vous guiderai sur des chemins rocailleux pour expier vos turpitudes. Nous irons à Jaca pendant la semaine sainte ».
Et nous voilà, pauvres pécheurs et pécheresses allant d’ermitage en ermitage. De celui de la Vierge blotti sur une vire au-dessus de Santa Cilia, à San Juan de la Pena où le groupe vécut dans la plus grande inquiétude la disparition de quatre randonneuses dans les couloirs sombres du monastère. Quand elles réapparurent enfin, une âme charitable déclara : « les moines n’en ont pas voulu ! » Quelle belle âme ! Enfin, notre dernier chemin nous amena au pied de la croix d’Oroel et pour être parfaitement absous de notre mauvaise conduite, une petite visite à la Cueva de la Vierge s’imposa.
Et chacun de s’interroger en son for intérieur sur les péchés capitaux ainsi expiés. S’il en est un que nous chérissons et que nous partageons c’est bien celui de la Gourmandise ! Et Grand Saint Bernard pour mieux nous éprouver nous soumit à la tentation. Tel le Diable il nous fit asseoir à une table et nous mit devant un défilé de plats ….Ah ! Le supplice ! Jusqu’à huit plats ! Et les bouteilles qui apparaissaient pleines et disparaissaient vides tout aussitôt ! Deux soirs de suite ! Pauvres de nous, nous cédâmes et pour nous faire pardonner, avons dû marcher et encore marcher…Alors pour faire totale pénitence, dans le froid, nous avons suivi tard le soir, les confréries qui battent tambour à travers la ville le mercredi saint : « Romper la hora » est une tradition qui remonte au XIV, XVème siècle. Des bergers auraient sonné l’alarme à l’aide de tambours pour prévenir d’une razzia arabe. Aujourd’hui, ces confréries se rassemblent en divers points de la ville puis convergent vers la place de la cathédrale. Garçon ou fille, jeune ou vieux, tous portent une tunique de couleur propre à chaque groupe. Grosses caisses et tambours résonnent tantôt avec force, tantôt avec douceur pour symboliser la douleur de la nature à l’annonce de la mort du Christ.
Revenus de cette semaine sainte à Jaca, fourbus mais lavés de tous nos péchés, exaltés par la beauté des lieux, réconfortés par l’amitié, et riches des indulgences acquises, nous voilà prêts, tels les apôtres (pas de Judas chez nous) à repartir sur les chemins. Il existe quantité d’ermitages perdus en Aragon qui nous attendent pour la prochaine semaine sainte. Que ne ferions-nous pas pour gagner le paradis… Grâce soit rendue au Grand Saint Bernard[1] d’avoir initié ce qui pourrait devenir une tradition !
[1] Pas si saint que ça d’ailleurs… mais chut ! Il pourrait ne pas nous ramener en Aragon !


