Carnet de route

Belle Ile en mer
Le 12/05/2025 par Poulou Bernadette
Belle Ile en mer, du 5 au 10 mai 2025
Tout au long de cette semaine, en tête, une ritournelle, la chanson de Souchon/Voulzy [1]qui fait naître des désirs d’ailleurs... Belle Ile en Mer, Marie Galante, Saint Vincent, Singapour, Seymour Ceylan….
Belle Ile, nous y posons le pied lundi, en avance sur l’horaire, ce qui permet de flâner dans Le Palais, encore calme avant l’arrivée des vacanciers qui feront le pont. En cette saison, dès l’arrivée, l’œil est saisi par l’explosion des fleurs !
En quatre jours, bon pied-bon œil, les étapes prévues seront avalées avec gourmandise. Chacune a sa particularité : la première de Le Palais à la Pointe des Poulains, est la plus accidentée, la plus sauvage peut-être, avec le vent froid qui souffle en rafales continues. Le tapis rose d’armeria adoucit la lande autour du phare. Délicieux souvenir du café savouré à Sauzon, où l’on se réchauffe comme des chats au soleil, après la longue remontée de la ria…Un bref arrêt à la maison de Sarah Bernhardt : elle avait élu domicile dans un fortin datant de Napoléon III aménagé avec confort. Elle y invitait famille et amis et s’intéressant à la vie locale, elle avait su se faire aimer de la population. Surnommée La belle dame de Penhoët, elle avait apporté de l’aide aux miséreux en soutenant l’ouverture d’une boulangerie coopérative « l’œuvre du pain pas cher ».
La seconde étape nous mènera du Phare des Poulains aux Aiguilles de Port Coton. La lande est rase de ce côté. Le chemin suit la côte, toujours accidentée, frôle des abimes que la roche noire rend inquiétants. Quelques îlots abritent des colonies d’oiseaux criards, mouettes et goélands. Monet fasciné par les rochers déchiquetés de Port Coton y a peint des tableaux saisissants, l’océan bouillonne dans les profondes anfractuosités sous de grands ciels changeants.
La troisième, plus longue, va d’une traite jusqu’à Locmaria… Quatre gourmandes ont choisi de nous quitter plus tôt pour avoir le temps de déguster une galette. Le chemin est trompeur… on aperçoit notre objectif, on croit être arrivés, mais non, on ne peut que suivre une côte découpée. … Délice de l’arrivée au café du village, se poser, se rafraichir…
La quatrième étape a la saveur et la mélancolie de la dernière : le soleil jusque-là intermittent nous accompagne de Locmaria à Saint Palais. Les ajoncs dorés, éclatants, diffusent un léger parfum. La côte plus régulière réserve la surprise de jolies criques, appel à la baignade auquel seules deux courageuses cèderont. Un arrêt à La Belle Fontaine, également appelée Aigade Vauban : ce bâtiment abrite une immense citerne d’eau douce qui permettait d’alimenter en eau les bateaux, directement sur un quai, un peu plus bas.
Les puristes iront jusqu’au bout du bout : il nous manquait un petit tronçon du sentier côtier entre le départ et l’arrivée : il fait passer par la Citadelle de Vauban, longe le rempart en bord de mer et reprend le chemin des glacis le long d’un curieux mur d’enceinte qui entoure les bâtiments désormais à l’abandon d’une Colonie pénitentiaire agricole et maritime pour mineurs[2], où étaient regroupés, jeunes voyous, orphelins, enfants turbulents, enfants à la rue… Ce centre d’éducation surveillée n’a fermé ses portes qu’en 1977. Jacques Prévert l’a rendu célèbre dans le poème La chasse à l’enfant[3], triste épisode d’une révolte des jeunes détenus en 1934, à la suite d’un incident au réfectoire, l’un des jeunes n’ayant pas mangé son repas dans l’ordre imposé ! Une prime est offerte à ceux qui ramèneront les délinquants…
« Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !
Au-dessus de l'île
On voit des oiseaux
Tout autour de l'île
Il y a de l'eau
Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !
Qu'est-ce que c'est que ces hurlements
Bandit ! Voyou ! Voyou ! Chenapan !
C'est la meute des honnêtes gens
Qui fait la chasse à l'enfant… »
Sorj Chalandon revient sur cette rébellion dans un roman récent L’enragé. Il suit la fuite de celui qui n’a pas été retrouvé, qui en réalité s’est noyé. L’ouvrage évoque les conditions d’incarcération des jeunes.
Nous logions non loin de là à l’Auberge de jeunesse, en passe de s’appeler autrement vu l’âge des résidents pendant une bonne partie de notre séjour. Sur la fin, une équipe de rugbymen « vétérans» quoique plus jeunes a augmenté le volume sonore du lieu ! Côté logistique et accueil, c’était parfait, pique niques assurés, repas copieux, sourires. La réactivité de notre encadrant nous aura permis d’optimiser notre séjour : arrivée plus tôt, navette propre au groupe qui nous déposera/viendra nous chercher, départ plus tôt pour fuir la pluie. Il mérite une médaille !
Le tour de l’île a été bouclé, 80km et 1800m de dénivelés cumulés…Tous les instruments disponibles ont été dûment utilisés pour vérifier nos exploits !
Belle ile en mer, c’était hier
Marie-Galante, peut-être demain,
Saint Vincent, du côté des Grenadines, c’est encore loin, mais on pourrait y aller…
Singapour ? Pas idéal pour randonner
Seymour, près des Galapagos, pour observer les fous à pattes bleues
Ceylan pour cueillir des feuilles de thé…
Ce ne sont que quelques suggestions… Sait-on jamais ? si Francis manquait d’idées…
Merci pour cette très belle semaine.